L’inceste : La Perception de l’Enfant

Un enfant incesté qui observe sans comprendre sa part triste, au travers des larmes du temps!

1.   L’enfant face au monde : un être en construction

À sept ans, l’enfant traverse une période charnière de son développement. Il sort progressivement de son univers intérieur et entre en interaction plus consciente avec le monde extérieur. À cet âge, il commence à structurer sa pensée, à comprendre les règles sociales et à tester les limites imposées par son entourage. Son apprentissage repose essentiellement sur trois piliers fondamentaux : l’observation, l’écoute et l’imitation. Ce qu’il voit, entend et expérimente façonne sa perception de la réalité et de ce qui est acceptable ou non.

Dès son plus jeune âge, l’enfant apprend en absorbant son environnement sans filtre. Il ne fait pas de distinction entre un comportement sain et un comportement toxique : il intériorise ce qu’il perçoit et le reproduit naturellement, car c’est ainsi qu’il construit ses repères. Un sourire, une parole, un geste d’affection, mais aussi un cri, une violence ou un abus : tout est enregistré comme un modèle potentiel de ce qu’il faut faire ou subir.

Le problème survient lorsque les modèles observés sont dysfonctionnels ou nocifs. L’enfant n’a pas la maturité nécessaire pour évaluer la moralité d’un acte ou en comprendre les conséquences à long terme. Lorsqu’une autorité parentale, censée être une figure de protection et d’apprentissage, impose un comportement inapproprié, l’enfant ne le perçoit pas comme une agression. Il ne dispose pas encore des outils intellectuels et émotionnels pour discerner l’abus. Ce qu’il vit, devient pour lui une normalité, une règle implicite qu’il doit intégrer et appliquer.

Ainsi, si un adulte lui impose un geste, une attitude ou une interaction déplacée, l’enfant ne se demande pas si c’est bien ou mal. Il l’accepte comme une composante de son monde. Son cerveau, encore malléable et en pleine structuration, enregistre ce comportement sans recul critique. Il ne comprend pas qu’il subit une injustice ou une violence ; il comprend qu’il doit s’adapter à la situation qui lui est imposée.

Cette absence de discernement est ce qui rend l’enfant particulièrement vulnérable. À cet âge, ce qu’il vit devient un modèle, une référence qu’il est susceptible de reproduire plus tard. Lorsqu’un enfant ayant subi l’inceste en vient à répéter ce qu’il a vécu avec un autre enfant, ce n’est ni par malveillance ni par perversité. C’est parce que son référentiel ne lui permet pas de voir les choses autrement. Il est encore en phase d’expérimentation du monde, essayant inconsciemment de donner un sens à ce qui lui est arrivé.

Cette reproduction n’est donc pas un choix, mais une conséquence logique de son apprentissage. Il ne possède pas la capacité de se dire que cet acte est interdit ou nuisible. Il sait seulement qu’il l’a vécu et que, dans sa logique d’enfant, il peut à son tour l’appliquer sans en comprendre l’ampleur.

Face à cela, la réaction de la société et de l’entourage est souvent marquée par l’horreur, le rejet, voire la punition immédiate. Pourtant, il est essentiel de dépasser cette réaction instinctive pour prendre en compte le point de vue de l’enfant. Ce dernier n’est pas un bourreau en devenir, mais une victime qui tente de donner du sens à ce qu’il a vécu, avec les seuls outils dont il dispose.

Au lieu de condamner brutalement un enfant qui reproduit un acte qu’il a subi, il est primordial de comprendre pourquoi il agit ainsi, d’identifier ses besoins et de lui offrir un accompagnement bienveillant. L’objectif n’est pas de le culpabiliser davantage, mais de lui permettre d’acquérir une nouvelle grille de lecture, afin qu’il puisse progressivement déconstruire les schémas qu’il a intégrés et se reconstruire sur des bases saines.

2.   L’innocence et la reproduction du traumatisme

L’enfant de sept ans est, par nature, innocent. Il ne possède ni l’intention de nuire, ni la capacité de mesurer pleinement les conséquences de ses actes. Son monde est régi par l’exploration, la découverte et l’apprentissage par mimétisme. Lorsqu’il subit un acte aussi violent que l’inceste, son esprit, encore en pleine construction, cherche instinctivement à donner du sens à ce qu’il vit.

La confusion s’installe, car l’enfant ne peut pas intégrer l’inceste comme un acte répréhensible s’il est perpétré par une figure d’autorité. Pour lui, les adultes sont des repères : ce qu’ils font, ce qu’ils disent, ce qu’ils imposent devient une vérité indiscutable. Si l’adulte présente l’inceste comme quelque chose de normal, d’acceptable, voire d’affectueux, alors l’enfant l’absorbe comme tel.

Face à ce brouillage des repères, la reproduction de l’acte peut survenir de manière presque mécanique. L’enfant ne le fait pas par perversion ou par malveillance, mais par automatisme, comme on répète un mot appris sans en comprendre le sens profond. Il expérimente sans conscience du mal, reproduisant ce qui lui a été inculqué, parfois avec un frère, une sœur ou un cousin, dans un geste qui, pour lui, n’a pas de charge négative.

Mais cette reproduction n’est pas seulement un acte mimétique ; elle est aussi une tentative inconsciente d’intégrer et de maîtriser le traumatisme. Comme s’il cherchait à apprivoiser une situation incompréhensible en la mettant en scène à son tour, espérant ainsi y trouver une forme de contrôle ou de cohérence.

Le drame réside dans le fait que cet enfant, encore victime à bien des égards, risque de se retrouver perçu comme coupable. Son entourage peut voir en lui un bourreau, alors qu’il ne fait que rejouer une séquence qui lui a été imposée. C’est là que l’injustice devient double : non seulement il a été abusé, mais il peut aussi être rejeté, puni, condamné pour une action dont il ne comprend pas les implications.

Comprendre ce processus est essentiel pour accompagner ces enfants. Il ne s’agit pas de minimiser les actes, mais de reconnaître qu’avant toute chose, un enfant qui reproduit un traumatisme est d’abord une victime qui s’ignore.

3.   La réaction de l’adulte : un tourbillon d’émotions

Lorsqu’un adulte découvre une situation d’inceste impliquant un enfant, son esprit est instantanément submergé par une vague d’émotions violentes et contradictoires. Ces émotions ne sont pas seulement spontanées : elles sont le fruit de son éducation, de ses croyances, de ses valeurs morales et de ses propres blessures inconscientes.

  • 1)   Le dégoût : une réaction viscérale
    • La première sensation est souvent le dégoût, une réaction instinctive face à une scène qui heurte profondément son système de valeurs et sa conception du monde. Il peut ressentir une répulsion physique, un rejet total de ce qu’il voit, comme si son corps lui-même refusait d’accepter la réalité. Ce dégoût n’est pas seulement tourné vers l’acte en lui-même, mais aussi, parfois, vers l’enfant, même s’il sait au fond de lui que ce dernier n’est pas responsable.
  • 2)   La stupeur et l’incompréhension : un choc brutal
    • L’adulte peut être paralysé par l’incompréhension. Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ? Comment un enfant si jeune peut-il se retrouver dans une telle situation ? L’onde de choc brouille ses pensées, le temps semble suspendu. Son esprit cherche à mettre du sens là où tout lui semble absurde. Cette incapacité temporaire à comprendre peut le plonger dans une forme de sidération où il ne sait ni quoi dire, ni quoi faire.
  • 3)   La colère : contre qui, contre quoi ?
    • Très vite, la colère monte. Une rage brûlante, mais confuse. Contre qui doit-elle être dirigée ? Contre l’enfant qui reproduit un acte qu’il ne comprend pas ? Contre l’adulte qui lui a infligé ce traumatisme ? Contre lui-même, pour ne pas avoir vu les signes plus tôt ? Cette colère peut être explosive ou, au contraire, sourde et contenue, se transformant en un poison qui ronge de l’intérieur.
  • 4)   La honte et la culpabilité : l’échec d’un protecteur
    • Si l’adulte est un parent ou une figure protectrice, une immense honte peut l’envahir. Comment a-t-il pu laisser cela arriver ? Qu’a-t-il raté pour que l’enfant en arrive là ? Il se sent responsable, coupable d’avoir échoué dans sa mission de protection. Cette culpabilité peut être écrasante, le poussant à se blâmer, à se juger sévèrement.
  • 5)   La peur : et maintenant ?
    • La peur surgit ensuite, accompagnée d’une multitude de questions angoissantes. Que faire maintenant ? Comment réagir sans aggraver la situation ? Faut-il punir, consoler, expliquer ? La peur de mal faire, d’empirer les choses, d’être impuissant face à ce drame devient écrasante. L’adulte sent qu’il doit agir, mais chaque choix semble porteur de conséquences irréversibles.
  • 6)   La tristesse et le chagrin : le deuil de l’innocence
    • Au milieu de cette tempête émotionnelle, une profonde tristesse s’installe. L’adulte réalise que l’enfant a perdu une part de son innocence. Il prend conscience du poids du traumatisme et de ce que cela implique pour l’avenir de l’enfant. C’est une douleur sourde, un chagrin profond face à une blessure qui ne pourra jamais être totalement effacée.
  • 7)   Le désespoir et l’impuissance : comment réparer l’irréparable ?
    • Enfin, un sentiment d’impuissance peut prendre le dessus. Comment aider l’enfant ? Comment réparer ce qui a été brisé ? L’adulte peut se sentir totalement dépassé, incapable de trouver une solution, perdu face à l’ampleur du traumatisme. Cette impuissance peut mener à une forme de déni ou, au contraire, à une volonté désespérée de contrôler la situation, parfois de manière inadaptée.

4.   L’impact sur l’enfant : le miroir émotionnel

L’enfant est une éponge émotionnelle. Il absorbe tout, bien avant de comprendre. L’intonation de la voix, le frémissement d’un regard, la crispation d’un corps en face de lui… Rien ne lui échappe.

1)   Une fraction de seconde qui change tout

Lorsque l’adulte découvre la scène, son corps parle avant lui. Son souffle s’arrête, son regard se fige, son visage se tord entre stupeur et dégoût. Tout en lui hurle une émotion brute et incontrôlée. L’enfant, lui, capte cette onde de choc instantanément.

  • Dans cette fraction de seconde, il ne se dit pas :
    L’adulte réagit à une situation anormale.
  • Mais plutôt :
    Il réagit à moi. Il me voit différemment.

Et ce basculement est terrible. Car l’enfant ne comprend pas que la réaction de l’adulte concerne l’acte et non sa personne.

2)   Quand l’émotion devient un jugement

Dans le regard bouleversé de l’adulte, l’enfant cherche instinctivement une signification. Mais il ne trouve pas d’explication rationnelle, seulement une vérité émotionnelle crue et brute :

  • J’ai fait quelque chose d’interdit.
  • Je suis sale.
  • Je suis un monstre.

Sans un mot, sans même un cri, tout est déjà dit dans ce premier échange de regards.

3)   Le poids du silence : un fardeau invisible

L’adulte, sous le choc, peut avoir une réaction disproportionnée ou maladroite. Mais parfois, il ne dit rien. Et c’est encore pire.

Car le silence, l’absence d’explication, laisse l’enfant seul face à ce qu’il a vu dans le regard de l’adulte. Il ne sait pas quoi faire de cette charge émotionnelle, alors il la garde, il l’absorbe, il l’intègre.

Ce silence devient un poids invisible qui s’installe en lui, et qui grandit au fil des années :

  • La honte : il se perçoit comme une personne mauvaise, dont l’existence même est associée à quelque chose de terrible.
  • La culpabilité : il pense être le seul responsable de la réaction de l’adulte.
  • L’isolement : s’il a causé un tel choc, comment pourrait-il encore être aimé normalement ?

4)   Une identité construite sur le rejet

L’enfant ne sait pas encore qu’il est en train de se construire autour d’une blessure.

  • Il apprend à se cacher. Il ne veut plus jamais voir ce regard posé sur lui.
  • Il apprend à taire ses émotions. Parce qu’il croit que ce qu’il ressent est interdit.
  • Il apprend à porter une faute qui n’est pas la sienne. Et il finira par l’accepter comme une partie de lui-même.

Ce n’est pas l’acte seul qui traumatise l’enfant.
C’est la façon dont il l’intègre, dont il se l’attribue, dont il en fait une vérité sur lui-même.

Et c’est pourquoi, des années plus tard, il faudra aller chercher non seulement l’événement, mais aussi tout ce qu’il a engendré dans l’inconscient.

5.   Victime ou bourreau ?

La perception de l’enfant varie en fonction du contexte. Lorsqu’un adulte commet l’inceste, l’enfant est immédiatement identifié comme une victime. Il subit une emprise, une domination, une intrusion dans son intégrité physique et psychique. Il est impuissant face à l’autorité, incapable de mettre des mots sur ce qui lui arrive, souvent enfermé dans un silence imposé par la peur, la honte ou la manipulation de l’adulte.

Mais lorsqu’un enfant reproduit ce qu’il a subi avec un autre enfant, la dynamique change brutalement. Celui qui initie l’acte est perçu comme un bourreau, tandis que l’autre devient la victime. Pourtant, dans cette situation, les deux sont en détresse. Celui qui reproduit l’acte ne le fait pas par malveillance, mais par répétition inconsciente, par mimétisme, parce qu’il a appris que ce geste faisait partie de son cadre de référence. Il ne comprend pas la gravité de ce qu’il fait.

1)   L’enfant victime : incompréhension et douleur

L’enfant qui subit à nouveau l’inceste, cette fois de la part d’un autre enfant, revit le traumatisme sous une autre forme. Il ressent une douleur confuse, une trahison implicite. Il n’y a plus d’adulte en position d’autorité, plus de figure imposante, mais un pair, un égal. Cela peut provoquer une double fracture psychologique : non seulement il endure une nouvelle agression, mais il perd aussi confiance dans les autres enfants, qui devraient être des compagnons de jeu et non des sources de souffrance.

Si personne ne lui donne d’explication, s’il est laissé à lui-même avec cette expérience, il risque d’assimiler cet acte comme une normalité dans les relations humaines. Son corps et son esprit gardent une mémoire douloureuse, mais sans clé pour la comprendre ou la dépasser.

2)   L’enfant bourreau : culpabilité et rejet

L’enfant qui initie l’acte, lui, est bien souvent inconscient de son rôle de bourreau. Il agit comme on reproduit un jeu, une habitude. Mais dès que le regard des adultes se pose sur lui avec horreur, colère ou dégoût, il ressent immédiatement qu’il a fait quelque chose de mal, sans nécessairement comprendre quoi.

La réaction des adultes est cruciale. S’il est puni, rejeté, stigmatisé comme un monstre, il peut intérioriser une image négative de lui-même, se percevoir comme une personne dangereuse ou détestable. Ce rejet peut le pousser à enfouir le traumatisme initial encore plus profondément, renforçant ainsi une boucle de honte et de non-dits.

Si, au contraire, on lui explique ce qui s’est passé avec bienveillance, sans nier la gravité des actes mais en lui donnant des clés pour comprendre, il peut se reconnecter à son innocence perdue et briser ce cycle de reproduction.

3)   Deux enfants, une même souffrance

Que l’enfant soit perçu comme victime ou comme bourreau, il est avant tout un enfant brisé, en quête de repères. Il ne peut être réduit à l’un ou l’autre de ces rôles, car dans les deux cas, il est le produit d’une transmission de souffrance, d’un héritage traumatique qu’il n’a pas choisi.

L’enjeu n’est pas seulement d’identifier qui est la victime et qui est le coupable, mais de comprendre comment intervenir pour les sortir tous les deux de cette spirale destructrice. Ils ont besoin d’écoute, de reconnaissance et d’accompagnement pour reconstruire une relation saine à leur propre corps et aux autres.

6.    L’impact des émotions de l’adulte sur l’enfant

Le choc de l’adulte qui assiste à cette scène est immense, souvent insoutenable. Dans cette fraction de seconde où il découvre l’inimaginable, son corps et son visage expriment un flot incontrôlable d’émotions : colère, horreur, tristesse, dégoût, incompréhension. Son souffle se coupe, son cœur s’emballe, ses yeux s’écarquillent, sa posture se tend. Il est submergé, incapable de masquer son ressenti.

Mais cette seule seconde suffit pour que l’enfant perçoive et absorbe toute cette vague émotionnelle, bien avant que des mots ne soient prononcés.

1)   Le regard qui change : un bouleversement instantané

L’enfant ne comprend peut-être pas ce qui est en train de se passer, mais il voit l’expression sur le visage de l’adulte. Il sent la rupture dans le regard, ce passage brutal d’un état neutre ou bienveillant à une expression de rejet ou d’horreur. Ce regard devient un miroir déformant qui lui renvoie une image insoutenable de lui-même.

Ce n’est plus seulement l’acte qui pose problème : c’est lui, en tant qu’être, qui devient source de trouble et de malaise. En un instant, il passe de l’innocence à la culpabilité, de l’insouciance à la honte.

2)   Les émotions négatives de l’adulte : une empreinte indélébile

La colère : Elle peut se traduire par une voix qui s’élève, un geste brusque, une interdiction immédiate. L’enfant sent la violence de cette émotion sans forcément en comprendre la cause. Il peut assimiler cette colère à un danger, une menace, un risque de rejet ou de punition.

Le dégoût : Un rictus, un mouvement de recul, un ton sec suffisent à faire comprendre à l’enfant qu’il a fait quelque chose d’abominable. Il peut alors intérioriser une sensation de saleté, de dégoût envers lui-même, de honte viscérale qui l’accompagnera bien au-delà de ce moment.

La tristesse : Si l’adulte pleure, s’effondre, reste figé sous le choc, l’enfant peut ressentir une immense culpabilité. Il peut croire qu’il a brisé quelque chose chez cet adulte, qu’il est responsable de son malheur. Il ne se voit plus comme un enfant, mais comme un être fautif, capable de causer une douleur immense à ceux qu’il aime.

3)   L’impact immédiat : incompréhension et culpabilité

Peu importe les tentatives d’explication ou d’apaisement qui suivent, l’impact est immédiat et profond. Avant même qu’on lui dise quoi que ce soit, l’enfant sent qu’il a fait quelque chose de mal. Mais souvent, il ne sait pas pourquoi.

Il est perdu entre ce qu’il croyait être normal et ce qu’on lui renvoie comme étant horrible. S’il n’a jamais eu d’explication sur ce qu’il vivait, comment pourrait-il comprendre soudainement que cet acte est interdit, dangereux, inacceptable ?

Ce qu’il retient, ce n’est pas une leçon claire et construite sur le bien et le mal. Ce qu’il retient, c’est une émotion brutale : j’ai fait quelque chose d’atroce, je suis mauvais, on ne m’aimera plus pareil, je suis en danger.

4)   L’empreinte durable : honte et repli sur soi

Cette première réaction de l’adulte peut marquer l’enfant pour le reste de sa vie. Il peut grandir avec un sentiment diffus de honte, d’indignité, avec la sensation qu’il porte en lui une faute innommable. Il peut chercher à enfouir cette mémoire, à l’enterrer profondément, à la refouler au point d’en oublier consciemment les détails… mais l’émotion, elle, reste gravée.

Certains enfants vont développer une culpabilité toxique, pensant qu’ils méritent d’être punis ou rejetés. D’autres vont se dissocier, coupant une part d’eux-mêmes pour ne plus ressentir la douleur. D’autres encore vont entrer dans une spirale de répétition, reproduisant inconsciemment ce qu’ils ont vécu, soit par automatisme, soit par une tentative maladroite de réappropriation de leur propre histoire.

5)   L’importance d’une réaction maîtrisée

Il est essentiel de comprendre que l’émotion de l’adulte devient le cadre de référence de l’enfant. La manière dont il réagit définit le sens que l’enfant donnera à la scène.

Cela ne signifie pas qu’il faille minimiser ou nier la gravité de la situation. Mais il est crucial que l’adulte prenne un instant pour respirer, pour contenir le flot de ses propres émotions, pour ne pas laisser son choc devenir une condamnation irréversible pour l’enfant.

L’idéal est d’offrir un cadre où l’enfant puisse comprendre que ce n’est pas lui qui est mauvais, mais ce qu’il a vécu qui ne devrait pas arriver. Cela demande du temps, de l’écoute et une immense délicatesse. Car si l’adulte n’a que quelques secondes pour exprimer son choc, l’enfant, lui, portera ces quelques secondes pour le reste de sa vie.

7.    Les traces laissées dans l’inconscient

Les émotions ressenties lors de la découverte de l’inceste ne disparaissent pas. Elles s’impriment dans l’inconscient de l’enfant comme une marque indélébile. Ce sont ces émotions refoulées, cette honte silencieuse, cette peur indicible qui continuent d’agir en arrière-plan, façonnant ses croyances, ses comportements, ses relations futures.

Chaque émotion non exprimée devient une cicatrice invisible, une part de l’enfant intérieur qui se fige dans le silence et le non-dit. Ce sont ces parts blessées qu’il faut aller chercher, non pas seulement pour comprendre l’événement, mais pour libérer l’enfant qu’elles ont emprisonné.

1)   La culpabilité : un poids insoutenable

L’enfant n’a pas les moyens de comprendre ce qui lui arrive. Pourtant, il ressent la culpabilité dans chaque regard, chaque silence gêné, chaque réaction brusque de l’adulte. Cette culpabilité, qu’elle soit imposée ou simplement perçue, s’installe profondément. Elle lui murmure à l’oreille : C’est de ma faute, J’ai fait quelque chose de mal, Je suis mauvais(e).

En grandissant, cette culpabilité peut se manifester sous différentes formes :

  • Un auto-sabotage constant, comme si l’enfant devenu adulte se punissait sans savoir pourquoi.
  • Un besoin de se faire aimer à tout prix, cherchant désespérément à compenser une faute qu’il n’a jamais commise.
  • Une difficulté à poser des limites, car l’enfant n’a jamais su si son corps et son plaisir lui appartenaient réellement.

2)   Le plaisir : une émotion piégée

Lorsqu’un enfant subit un acte incestueux, son corps peut réagir malgré lui. C’est là un des aspects les plus insidieux du traumatisme : le mélange entre douleur, incompréhension et plaisir involontaire.

Si le corps a réagi, l’enfant peut ressentir une immense confusion :

  • Si j’ai ressenti quelque chose, est-ce que ça veut dire que j’étais d’accord ?
  • Si j’ai pris du plaisir, est-ce que ça veut dire que je suis coupable ?
  • Si mon corps a répondu, alors peut-être que je le voulais vraiment ?

Cette confusion peut mener à un rapport complexe et douloureux de la sexualité à l’âge adulte :

  • Une dissociation du plaisir, comme si ressentir du désir était une trahison.
  • Une perte de contrôle, cherchant inconsciemment à revivre une situation où il/elle pourrait cette fois décider.
  • Une honte profonde, empêchant tout épanouissement intime.

3)   La peur : un fantôme omniprésent

L’enfant a appris que ce qu’il a vécu était interdit, monstrueux, incompréhensible. Il a aussi compris que le simple fait d’en parler pouvait détruire une famille, briser des liens, provoquer des réactions violentes.

Alors, il se tait. Il enferme son histoire au plus profond de lui-même, mais la peur reste tapie dans l’ombre :

  • La peur d’être découvert(e) et d’être rejeté(e).
  • La peur d’en parler et de provoquer un cataclysme.
  • La peur de revivre une situation similaire, qui peut se transformer en une hypervigilance constante ou, au contraire, en une incapacité à détecter les dangers.

4)   Là où réside le véritable traumatisme

L’inceste ne marque pas seulement par l’acte subi, mais par la manière dont il est perçu et intégré. L’enfant, livré à lui-même face à ces émotions qu’il ne peut nommer, absorbe le choc, la honte, la peur et la culpabilité, et les transforme en une partie de son identité.

C’est pourquoi, bien souvent, ce n’est pas seulement l’événement qu’il faut aller revisiter en thérapie, mais toutes ces parts de soi qui ont été figées dans le silence. Toutes ces parts qui, encore adultes, crient intérieurement sans être entendues.

8.   L’empreinte invisible du traumatisme

L’inceste, au-delà de l’acte, laisse une empreinte profonde dans l’inconscient de l’enfant. Ce n’est pas seulement ce qui s’est passé qui marque, mais la manière dont l’enfant l’a vécu, ressenti, et intégré en lui-même.

Dans ce processus, la réaction de l’adulte joue un rôle clé. En une fraction de seconde, un regard, une émotion brute, un silence pesant peuvent figer en l’enfant une croyance destructrice : celle d’être coupable, sale, indigne d’amour. Ce poids ne s’efface pas avec le temps. Il devient un fardeau inconscient qui façonne sa perception de lui-même, des autres et du monde.

L’enfant victime, tout comme l’enfant bourreau, reste avant tout un enfant en détresse, pris dans un cycle dont il ne comprend ni l’origine ni les conséquences. Il ne mesure pas la portée de ses actes, mais il en porte le poids, souvent seul, dans un silence imposé par la honte et la peur.

Libérer ces blessures, c’est aller à la rencontre de cet enfant intérieur, lui redonner une voix, une compréhension, une place autre que celle du rejet et de la souffrance. C’est lui permettre de déconstruire ces croyances erronées, d’abandonner la culpabilité qui ne lui appartient pas et de se reconstruire sur des bases plus saines.

Car au fond, ce que l’enfant cherche, ce n’est pas la punition ni le pardon.
C’est la vérité, la reconnaissance de ce qu’il a vécu, et la possibilité d’exister autrement que dans la douleur.

9.   La réaction adaptée de l’adulte face à la découverte de l’inceste

Lorsqu’un adulte est confronté à une situation d’inceste impliquant un enfant, le choc émotionnel est inévitable. C’est une réaction humaine, naturelle. Cependant, la manière dont cet adulte exprime cette émotion est cruciale, car c’est elle qui va déterminer la perception que l’enfant aura de lui-même et de ce qu’il vit.

1)   Maîtriser sa propre réaction émotionnelle

L’adulte ressent probablement du dégoût, de la colère, de la peur, de l’incompréhension. C’est légitime. Mais face à l’enfant, il doit éviter les réactions violentes, les cris, le rejet instinctif.
Pourquoi ? Parce que l’enfant n’a pas conscience de la gravité de ce qui se passe. Une réaction brutale risque de lui faire croire qu’il est monstrueux, coupable ou brisé.

Ce qu’il faut faire :

  • Prendre une grande respiration, ne pas réagir sous le coup de l’émotion.
  • Ne pas crier, ne pas s’éloigner précipitamment, ne pas exprimer un rejet brutal.
  • Se rappeler que l’enfant ne comprend pas, et qu’il a besoin d’être guidé, pas condamné.

2)   Sécuriser et protéger l’enfant

L’enfant doit sentir qu’il est en sécurité et qu’il n’est pas responsable de ce qui s’est passé.
Ce qu’il faut dire :

  • Tu n’as rien fait de mal.
  • Je vais t’aider.
  • Ce qui s’est passé ne devrait pas arriver, mais ce n’est pas ta faute.

Ce qu’il faut éviter :

  • Dire Pourquoi tu as fait ça ? (cela culpabilise l’enfant).
  • Exprimer un jugement (C’est horrible !, C’est sale !), qui lui ferait associer l’acte à son identité.
  • Se taire et ignorer la situation (le silence est un poison qui enferme l’enfant dans la honte).

3)   Expliquer avec des mots adaptés

L’enfant ne comprend pas la portée de ses actes. Il a besoin d’explications claires et adaptées à son âge.
Comment lui expliquer ?

  • Parfois, des adultes ou des enfants font des choses qui ne devraient pas être faites. Ça peut arriver, mais ce n’est pas une bonne chose, et ce n’est pas de ta faute.
  • Tu as peut-être vu ou vécu certaines choses qui t’ont donné envie de reproduire ça, mais je vais t’aider à comprendre ce que ça veut dire et ce qu’on peut faire maintenant.

L’objectif est d’apporter du sens sans effrayer, culpabiliser ou traumatiser encore plus l’enfant.

4)   Prendre des mesures pour protéger sans dramatiser

Il ne s’agit pas de minimiser les faits, mais d’agir de manière posée et réfléchie pour assurer la protection de l’enfant.
Les actions essentielles :

  • Si l’enfant est victime d’un adulte : signaler la situation aux autorités compétentes.
  • Si l’enfant reproduit un comportement sur un autre enfant : comprendre d’où cela vient, qui l’a exposé à ces actes, et l’accompagner vers une aide psychologique.

L’enfant n’a pas besoin d’un procès moral. Il a besoin d’un adulte solide, qui reste calme et qui sait comment agir.

5)   Lui offrir un espace pour parler et être entendu

L’enfant ne va pas tout dire immédiatement. Il peut avoir peur d’avoir fait quelque chose de mal, de ne plus être aimé ou d’être puni.
Comment créer un climat de confiance ?

  • Lui dire clairement qu’il peut parler librement, sans crainte de jugement.
  • Lui poser des questions ouvertes, sans pression (Est-ce que tu veux me raconter comment ça s’est passé ?)
  • Ne pas forcer, mais montrer qu’on est là, disponible, prêt à entendre ce qu’il a à dire.

6)   L’accompagner sur le long terme

Un enfant qui vit ou reproduit un inceste a déjà été exposé à quelque chose qu’il ne devrait pas connaître. Son rapport au corps, à l’affection, à l’intimité peut être profondément perturbé.
Ce qu’il faut faire après :

  • L’orienter vers un professionnel (psychologue, thérapeute spécialisé).
  • Maintenir un dialogue bienveillant et ouvert sur la sexualité et les limites.
  • Ne jamais lui faire porter la responsabilité de ce qui s’est passé.

7)   L’adulte comme repère bienveillant

Face à une situation d’inceste, la première réaction est souvent instinctive et marquée par le choc. Mais l’essentiel est de prendre du recul, d’adopter une posture d’écoute et de protection, sans culpabiliser l’enfant.

Un enfant qui vit cette situation ne comprend pas, mais il ressent tout. Son regard sur lui-même dépendra de la manière dont l’adulte lui renvoie cette expérience : sera-t-elle un fardeau de honte ? Ou un événement qu’il pourra surmonter, accompagné et soutenu ?

L’adulte doit être un repère stable, une main tendue plutôt qu’un juge, afin que l’enfant puisse se reconstruire sans se perdre dans la culpabilité et le silence.

10.   Comment l’adulte peut-il récupérer ses parts abandonnées ?

Lorsqu’un enfant ayant vécu un traumatisme devient adulte, il porte en lui des parts blessées, souvent refoulées dans son inconscient. Ces parts peuvent être associées à la honte, la peur, la culpabilité, la dissociation, et bien d’autres émotions qu’il n’a pas pu comprendre ni exprimer à l’époque.

Le travail de récupération de ces parts est un processus d’exploration intérieure, de reconnexion et d’acceptation.

1)   Identifier les parts abandonnées

L’adulte doit d’abord prendre conscience des parties de lui qui ont été mises de côté.
Il peut se poser des questions comme :

  • Quelle est la première émotion qui remonte quand je pense à mon passé ?
  • Y a-t-il des moments où je me sens submergé sans raison apparente ?
  • Y a-t-il des comportements automatiques que j’adopte et qui me dépassent ? (fuite, colère, auto-sabotage, dissociation…)

Ces réactions sont souvent des traces de l’enfant intérieur qui cherche encore à être entendu.

2)   Se reconnecter à son enfant intérieur

L’enfant intérieur est la mémoire vivante du passé émotionnel. L’adulte doit aller à sa rencontre pour lui offrir ce qu’il n’a jamais reçu : de la compréhension, de l’amour, du soutien.

Exercice :

  • Ferme les yeux et imagine-toi enfant, à l’âge du traumatisme.
  • Observe son regard, son attitude.
  • Pose-lui une question simple : De quoi as-tu besoin ?
  • Écoute la réponse, même si elle ne vient pas tout de suite.

L’enfant intérieur ne demande qu’à être reconnu et accueilli.

3)   Réhabiliter les parts liées au plaisir, à la culpabilité et à la peur

Lorsqu’un enfant associe le plaisir à la honte ou à la peur, cela crée un conflit intérieur.
Pour se libérer, l’adulte doit réapprendre à ressentir du plaisir sans culpabilité.

Comment faire ?

  • Prendre conscience des blocages : peur du corps, rejet du contact physique, sensation d’être sale.
  • Apprendre à dissocier le passé du présent : ce qui a été vécu n’est pas une condamnation.
  • Se réapproprier son corps à travers des pratiques douces : danse, massage, exploration sensorielle bienveillante.

4)   Dialoguer avec ses parts blessées

Chaque émotion refoulée a une voix intérieure. Il est possible d’entrer en dialogue avec elles pour les libérer de leur poids.

Exercice d’écriture intuitive :

  • Écris une lettre à l’enfant que tu étais.
  • Demande-lui ce qu’il a ressenti.
  • Réponds-lui avec bienveillance, comme un adulte rassurant.

Ce dialogue permet de ramener dans la lumière ces parts abandonnées et de les intégrer.

5)   S’entourer et se faire accompagner

Ce travail est profond et peut réveiller des blessures enfouies. Un accompagnement thérapeutique (hypnose, EMDR, thérapie des parts, sophrologie, etc.) peut être un soutien précieux.
Ne pas rester seul avec ces émotions, mais les partager avec un thérapeute ou un groupe bienveillant, permet d’alléger le poids du passé.

6)   Réintégrer ces parts et avancer

Le but n’est pas de revivre la douleur, mais de redonner une place à ces parts oubliées. Elles ne doivent plus être des fardeaux, mais des fragments de soi réconciliés.

Se dire :

  • Je ne suis plus cet enfant impuissant. Aujourd’hui, je suis adulte et je peux me protéger, me comprendre et m’aimer.

La libération passe par l’acceptation et la réhabilitation de toutes les émotions refoulées. C’est un chemin vers la réconciliation intérieure et la liberté d’être soi.

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